Aménager la ville, c’est considérer les nombreuses composantes qui la constituent : bâtiments, mais aussi végétation, sols, rues et places. C’est le vide qui permet la mise en scène et valorise les perspectives. La qualité de l’espace public tend à transformer le promeneur en spectateur, sensible aux séquences du paysage urbain.
L’espace public est aussi témoin de l’histoire et de l’évolution de la ville que l’on retrouve dans le rythme des façades ou la hiérarchie des statuts de leurs occupants. La place des Vosges, espace minéral, a été conçue pour les parades militaires. Ne devrait-on pas considérer l’ensemble comme un monument historique ? Aujourd’hui, espace non-bâti dans un tissu dense, il est devenu square et les arbres masquent les façades. Il ne s’agit pas d’une restitution en l’état d’origine mais d’adaptation aux contraintes d’usage. La réflexion sur l’espace public possède sa valeur patrimoniale propre et doit faire l’objet des mêmes investigations.
En réaction à des tissus trop denses ou à des exigences de quantité, les tenants de la charte d’Athènes ont surtout retenu dans le domaine du non-bâti les exigences de l’hygiénisme et de l’ensoleillement, suggérant… ou opérant des alignements de voies ou des démolitions de quartiers anciens, faisant fi de leur personnalité. Dans les « grands ensembles », la fonction affectée aux espaces entre bâtiments était celle de dégagement ou d’espace de jeux. La notion d’espace public y est absente là où ne peuvent apparaître les qualités de monumentalité, d’intimité, de déambulation, d’espaces de jeux…
On ne peut considérer le non-bâti comme le négatif du bâti. Il possède sa personnalité et sa fonction propres. Est-ce le parvis de l’église ou d’un autre bâtiment public ? Est-ce l’articulation entre divers quartiers ? Possède-t-il l’échelle propice à la rencontre ou aux mouvements de foule ? Comme les bâtiments qui le bordent, l’espace public doit répondre aux nécessités de la ville…
L’heure n’est plus à démolir des quartiers pour valoriser des perspectives monumentales ou créer de faux parvis. L’architecte du patrimoine —comme l’aménageur— doit se préoccuper de la diversité des espaces. Sa mission consiste à veiller au maintien du sens de ces espaces et à la matérialisation de leur histoire, faisant du creux le complément du plein.
Olivier GODET
AUE